La difficulté à se projeter dans le Métavers
Si, lors de la conférence “Connect” d’octobre 2021, Mark Zuckerberg a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas toutes les réponses aux questions que pourrait poser l’exposé de sa vision du Métavers, et que la construction de ce dernier prendrait des années, une myriade d'interrogations a mis en ébullition le monde de la technologie dès les minutes qui ont suivi la fin de sa présentation :
- Qu’est-ce que le Métavers ? Est-ce un monde virtuel ? Un environnement de réalité virtuelle ? De réalité mixte ? Tout cela à la fois ?
- Comment les utilisateurs pourront-ils y accéder ? Le pourront-ils depuis leur domicile comme dans la rue ? Avec quel équipement ? Un casque de réalité virtuelle ? Un téléphone ? Un ordinateur ? Un hologramme ?
- S’agira-t-il d’un univers ouvert et interopérable avec d’autres solutions ? Est-il question d’un Métavers propre à une franchise ou d’un Métavers qui permet la connexion avec d’autres univers simulés produits par d’autres acteurs et fournisseurs de solutions ?
- Un casque de réalité virtuelle d’une autre marque que Meta permettra-t-il de se connecter à ce Métavers ?
- Quel sera l’impact environnemental d’un tel Métavers ?
- Etc.
L’absence d’utilisateurs
La première incarnation du Métavers par Meta est l’environnement numérique en trois dimensions Horizon Worlds (ou Meta Horizon Worlds). En octobre 2022, le Wall Street Journal indiquait qu'Horizon Worlds comptait moins de 200 000 utilisateurs actifs mensuels, soit plus de deux fois moins que l'objectif de 500 000 que Meta s'était fixé. Depuis, les utilisateurs ne semblent toujours pas avoir investi cet univers, et même les employés de l’entreprise semblent ne pas souhaiter l’utiliser.
Des “plateformes de métavers” comme Decentraland et The Sandbox ont aussi été épinglées du fait qu’elles comptabiliseraient entre quelques centaines d’utilisateurs pour la première, et entre 1 000 et 4500 utilisateurs actifs quotidiens pour la seconde, malgré des valorisations d'un milliard de dollars. Rappelons qu’à la fin de l’année 2011, le monde virtuel Second Life comptabilisait jusqu’à 48 000 connexions simultanées par jour.
Des pertes et des licenciements massifs
En 2022, du fait d’une chute massive de la capitalisation boursière de l’entreprise, Meta a perdu 65 milliards de dollars, dont 13,7 milliards de dollars (12,9 milliards d’euros) issus de Reality Lab, la division chargée de la construction du Métavers. Au premier semestre 2023, cette division aurait perdu 7,2 milliards, ce qui ferait un total de 21 milliards de dollars en seulement un an et demi. En 2023, Meta a annoncé le licenciement de 10 000 personnes, après une première vague de 11 000 licenciements en novembre 2022. De son côté, Microsoft a également “fermé sa plateforme d'espace de travail virtuel AltSpaceVR en janvier 2023, licencié les 100 membres de son ‘équipe métavers industriel’ et procédé à une série de coupes dans son équipe HoloLens. Disney a fermé sa division Métavers en mars, et Walmart lui a emboîté le pas en mettant fin à ses projets de Métavers basés sur Roblox” [[[Source : “RIP Metaverse. An obituary for the latest fad to join the tech graveyard”, Insider, 8 mai 2023.]]]. Récemment, des entreprises chinoises comme Tencent et Bytedance ont également fermé des divisions travaillant sur le Métavers ou des aspects spécifiques de la réalité virtuelle. Toutefois, cette dynamique ne peut être imputée qu’aux seuls effets d’une non-adoption des solutions de Métavers. Les grandes entreprises du numérique connaissent un contexte économique défavorable depuis près de deux ans (guerre en Ukraine, inflation…).